La Biennale de la danse de Lyon creuse sa thématique du retour en avant. Comment le passé peut-il dessiner le futur ? C’est la question colonne vertébrale de la manifestation, qui fait place aux créations et aux recréations, explorant ainsi le répertoire contemporain.
Lors d’une rencontre avec le Ballet de l’Opéra national de Lyon, spécialisé justement depuis plus de vingt ans dans ce répertoire, entretenu avec ferveur par une compagnie entraînée, la chorégraphe Maguy Marin a lancé le débat. Elle a remonté, pour le Ballet, une pièce pour quatre danseurs, Grosse Fugue. Ses interrogations sont justes. Elle trouve cela formidable que les jeunes puissent voir des pièces qui jalonnent l’histoire récente de la danse, mais craint que, sorties du contexte historique, elles ne soient vidées d’une partie de leur sens.
Bref, la question que pose cette biennale est aussi bien politique qu’artistique et, au fil des représentations, on devrait avoir une idée plus claire de ce qui forge véritablement la culture chorégraphique. Car la création ne sort pas de la cuisse de Jupiter, elle est travaillée irrémédiablement par le passé pour s’y opposer, ou pour le prolonger. Ce qui nous intéresse donc est de savoir à qui profite cette politique patrimoniale, sinon en grande part à l’institution, et comment, dans ce contexte, la création peut garder une place majeure ?
Les réponses données, en ce début de biennale, sont aussi variées que déroutantes.
Les trois programmes du Ballet de l’Opéra national de Lyon, consacrés à William Forsythe, Odile Duboc, Boris Charmatz, Jérôme Bel et Maguy Marin laissent l’impression d’une belle dynamique. Le Blue Lady, solo de Carolyn Carlson qu’elle a transmis au danseur et chorégraphe finlandais Tero Saarinen, est une perle rare, pourtant datée de 1983. Le Retour en avant de la compagnie Michel Hallet-Eghayan, également composé en 1983, est plus daté dans sa belle désinvolture, ses petits clins d’œil, et surtout dans l’utilisation de la pantomime. Les Petites Pièces de Berlin, créées en 1988 par Dominique Bagouet, remontées par le Ballet de Lorraine sous la responsabilité artistique de Sylvie Giron assistée de Catherine Legrand, deux anciennes interprètes de la compagnie, restent énigmatiques.
On n’en a pas fini avec Dominique Bagouet, disparu en 1992. Ses personnages, issus d’un monde à part, d’un album dessiné par une plume acérée, rehaussé par les toiles de William Wilson et les costumes de Dominique Fabrègue, en complicité ludique avec la musique de Gilles Grand, questionnent la place de l’individu et ses possibilités de digressions, physiques, sexuelles, esthétiques. Le Ballet de Lorraine s’en est emparé, et devrait le faire peu à peu avec plus de drôlerie encore.
Côté créations 2008, on passera assez vite sur celle du Londonien Wayne McGregor. Entity : a Diptych, fruit d’une collaboration avec le chercheur Scott de Lahunta, de l’université de Californie de San Diego, propose une danse qui condamne des parties du corps. Comme sous l’effet d’une arthrose aiguë, les interprètes se meuvent gauchement et parviennent pourtant à une virtuosité certaine. Les recherches que mène le chorégraphe sur le dialogue entre le cognitif et le physique sont sûrement passionnantes, mais ce que l’on en voit sur scène n’a rien de bouleversant.
par Marie-Christine Vernay / Libération